Société
Le cancer, cet inconnu
Santé . L’Académie nationale de médecine a présenté, hier, une étude sur les causes du cancer qui met à mal bon nombre d’idées préconçues sur la maladie.
Le tabac provoque le cancer, la pollution non. Voici en substance, exagérément réduite, les conclusions du rapport sur les causes du cancer en France, présentées hier midi à l’Académie nationale de médecine. « Le tabac reste, aujourd’hui, la principale cause de cancer. Il représente un décès sur trois chez l’homme, et un sur dix chez la femme », développe l’épistémologiste Philippe Autier, membre du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), l’un des organismes à l’origine du rapport. Puis d’expliciter : « Contrairement à l’idée reçue, aucune preuve scientifique ne permet d’affirmer que la pollution intervient sur l’incidence des cancers du poumon. » Et dans le cas où celle-ci s’avérerait, la proportion de cancers dus à l’environnement ne représenterait pas plus de 1 % des cas, selon le rapport. Cette conclusion « surprenante » sur l’influence des polluants résulte de la méthodologie retenue par les scientifiques. « Nous nous sommes essentiellement basés sur des éléments établis scientifiquement, écartant, de fait, les simples hypothèses, justifie le docteur Paolo Boffetta. Nous pouvons donc dire que seul un gros tiers des cancers est attribuable à une cause. » Chez les non-fumeurs, le taux de cancers inexpliqués s’élève même à 85 %.
En considérant l’évolution de la population, il apparaît que la mortalité par cancer diminue d’environ 13 % entre 1968 et 2002. Ce résultat, qui va à l’encontre des préjugés, peut s’expliquer par une prévention active, des dépistages plus performants, ainsi que par l’apparition de traitements thérapeutiques. Car, en parallèle, le nombre de patients ne cesse de croître.
Outre le tabac, l’alcool, les expositions professionnelles et les infections constituent la majorité des causes cancérigènes entraînant un décès chez l’homme. Ces mêmes facteurs se retrouvent, dans des proportions moindres, chez la femme, facteurs auxquels s’ajoutent l’insuffisance d’exercice physique, le surpoids et l’obésité, ainsi que les traitements hormonaux post-ménopause.
« Ce qui m’a frappé, c’est la prédominance des facteurs dépendant de comportements humains, tels que le tabac, l’alcool ou l’inactivité physique », témoigne le professeur André Aurengo. Et de souligner qu’une prise de conscience et un changement des comportements (boire modérément, limiter l’exposition au soleil, ne plus fumer…) pourraient permettre de réduire de plus d’un tiers la mortalité par cancer. « Ce qui est loin d’être négligeable », tient à préciser André Aureng
Restent cependant les cancers dont l’origine est aujourd’hui scientifiquement inconnue. Une majorité des décès n’est pas expliquée ou explicable. Nombre d’entre eux pourraient provenir de facteurs d’origine endogène, que seules des recherches complémentaires permettraient de préciser. « Ce rapport souligne l’insuffisance de certaines connaissances scientifiques. Nous ignorons tout, par exemple, du cancer des testicules ou pourquoi la fréquence du cancer du sein évolue de manière significative en fonction des pays. Ces recherches doivent participer à une réflexion commune, qui s’avère indispensable à une avancée des travaux », conclut Philippe Autier.
Adrien Viguié