À 83 ans, Joël Kerjean ne se résout pas à la retraite. Il a breveté un tamis gamma pour le diagnostic et le traitement de cancers mais peine à faire reconnaître son invention.
Le mot retraite n'est pas pour Joël Kerjean. Brestois d'origine, ce polytechnicien a débuté sa carrière comme pilote de chasse sur les Gloster Meteor. La technologie de l'époque était balbutiante. «Nombre de mes camarades ne sont pas revenus de mission», dit Joël Kerjean.
Comme une loupe
Après cette parenthèse aéronautique, il intègre le CEA (Commissariat à l'énergie atomique) en qualité d'ingénieur. Il a notamment coordonné les études de la création du centre de retraitement de La Hague. Devenu directeur général d'une filiale de Framatome, l'heure de la retraite sonne en 1992 et l'incite à se lancer dans la création d'entreprise. «Ma PMI était leader des installations d'IRM en France. Je l'ai finalement vendue en 2004». Mais pas question pour lui de se reposer sur ses lauriers. Avec une petite équipe de trois jeunes retraités, il repart dans une nouvelle aventure. «L'idée était de mettre au point de nouveaux dispositifs pour l'imagerie médicale. C'est ainsi que nous avons créé le tamis gamma. Cette pièce métallique en forme de cône est percée de 240 trous de très faible diamètre. Le tamis sélectionne les rayons gamma émis par une source radioactive». Le tamis est capable de localiser avec précision les traceurs radioactifs utilisés en médecine nucléaire pour diagnostiquer un cancer. Les cellules cancéreuses sont gourmandes en sucre. Si l'on ajoute à ce sucre un composant radioactif, on obtient une image de la tumeur. «Mais les résultats des gamma-caméras utilisées dans les hôpitaux sont médiocres. Notre tamis gamma fait mieux. Comme une loupe, il permet de visualiser cet objet caché qu'est le cancer dans une matière vivante».
Traiter des cancers
À partir de là, Joël Kerjean a aussi imaginé que le tamis gamma serait utile non plus pour localiser, mais pour émettre des rayons et mieux cibler les traitements de radiothérapie. «Il y a encore trop de seconds cancers induits par des traitements de radiothérapie mal ciblés. Le tamis gamma permettrait de focaliser le traitement avec précision sur les cellules cancéreuses. Cela serait efficace surtout pour les cancers proches de la surface de la peau comme le cancer du sein». Des mesures expérimentales ont été réalisées en 2007. Malgré ses nombreuses démarches, l'invention de Joël Kerjean n'a pas encore franchi le cap d'une expérimentation. Face au scepticisme exprimé par certains médecins ou scientifiques, Joël Kerjean n'est pas prêt à baisser les bras: «Nous voulons obtenir une évaluation et le soutien du corps médical pour le développement de notre invention».