C'est le dimanche, 29 janvier 06, que j'ai appris que mon ami Michel était décédé d'un cancer le 23 novembre dernier. J'ai appris par la même occasion que, la veille 22 novembre, il était allé à sa réunion habituelle des AA comme pour faire ses adieux, semble-t-il. Il discutait avec tous et chacun. Il souriait, il était joyeux comme il l'était généralement ces dernières années et, le lendemain 23 novembre, il s'est éteint comme une chandelle. Un modèle, un attrait. Je souhaite que les choses se passent de cette façon pour moi aussi, le cas échéant: cancer, accident, ou autre. En tout cas, je m'y prépare mentalement, je cultive une mentalité positive, stoïcienne, alanonienne, au contact de pèlerins anonymes, comme Michel en était un.
Aussi, vendredi dernier, 02 février, vers 15h00, je revenais de la piscine. Trois fois un kilomètre de natation par semaine, c'est juste bon pour ma santé. Et si ça me faisait perdre un peu de poids en plus, ce serait encore mieux. Je dois parfois me donner un méchant coup de pied au derrière pour me décider à y aller, mais quand j'en reviens, je suis de bonne humeur. Et il neigeait abondamment ce vendredi, une grosse neige blanche et lourde. Les rues n'étaient qu'à moitié déblayées et les entrées ne l'étaient pas du tout. Il y avait ce type qui habite dans le même bloc que moi, à demi paralysé, qui descendait péniblement l'allée, un bras attaché sur sa poitrine, sa canne dans l'autre main, un petit pas hésitant à la fois dans environ 15 cm de neige mouillante. J'ai ralenti ma marche et, arrivant discrètement par derrière lui à ses côtés, j'ai dit: «Est-ce que la vie est belle?» À ma grande surprise, il a ri aux éclats. Il dit: «Oui, mon ami, la vie est belle. Même emmanché comme je le suis là, la vie est très belle. -- J'ai dit: «Ah oui, expliquez-moi ça!» -- «Faut bien s'accomoder de ce qu'on a, dit-il, j'ai profité de la vie en masse, maintenant je dois payer pour cela.» -- Avez-vous abusé de l'alcool, lui ai-je demandé?» -- J'ai travaillé 31 ans dans des bars, dit-il, et ça n'a pas été facile d'accepter ma paralysie au début, mais j'ai fini par m'y faire. Que pourrais-je faire d'autre? Même si je me révoltais, ça ne m'avancerait pas à grand-chose. Ça me prend du temps pour arriver à destination, mais je finis toujours par y arriver.» -- Et il me racontait tout cela en ricanant. J'avais mon voyage!
Je me suis souvenu d'une réflexion vue ou entendue quelque part: «Je me plaignais de mes souliers inconfortables jusqu'à ce que je rencontre quelqu'un qui, lui, n'avait pas de pieds.»
Je vais diner à la soupe populaire certains midis. Et, là aussi, je me fais servir une bonne leçon d'humilité. J'y vois des gens qui n'ont pas accès à Internet, ils n'ont même pas d'ordi, pas de carte de crédit, pas de permis de conduire. Souvent, ils savent à peine lire et écrire. Et malgré tout, ils rient, ils ont du fun, la vie est belle! De quoi me plaindrais-je? Pour le 24-heures d'aujourd'hui, j'ai un toit sur la tête, deux bras, deux jambes, toute ma tête sur mes épaules ou à peu près! Je verrai bien demain ce que demain m'amènera. On ne traverse pas la rivière avant d'y être arrivé, semble-t-il.
Salutations amicales à vous qui allez peut-être mourir d'un cancer. Je dis bien «peut-être», car qui sait? Prenez courage. Un jour ou l'autre, il faudra bien mourir de quelque chose. Nul ne sait la manière ni l'occasion. Cancer, schizo, diabiète, cardio, Alzheimer, sida... Voyez l'histoire de Gaston qui est gérant dans la restauration à Québec. Allez voir un bon film tandis que vous en êtes encore capable, La Neuvaine par exemple.