La biologie et les mathématiques se liguent pour sauver des vies et réduire le coût des soins de santé
Le mariage est pour le moins inattendu. Toutefois, d'innombrables personnes atteintes du cancer pourraient en récolter les fruits partout sur le globe.
Un projet coopératif entre un scientifique de l'ITI-CNRC et les médecins de l'Institut atlantique de recherche sur le cancer, à Moncton, au Nouveau-Brunswick, mêle mathématiques et biologie dans l'espoir d'améliorer le diagnostic et le traitement du cancer de la
et de diverses maladies héréditaires.
Appliquer les mathématiques à la médecine
Nabil Belacel est chercheur à l'ITI-CNRC. La médecine le fascine depuis toujours, mais il a fait des mathématiques sa profession. En effectuant son doctorat, à Bruxelles, M. Belacel a essayé d'appliquer ses compétences de mathématicien et d'informaticien à la médecine clinique afin d'aider les médecins à mieux diagnostiquer la maladie. Recourant à des algorithmes pour trier les données médicales, il a été le premier à se servir de méthodes de classement articulées sur l'analyse des décisions à partir de critères multiples pour améliorer les diagnostics médicaux.
À présent, il collabore avec les Drs Rodney Ouellette et Miroslava Cuperlovic-Culf de de l'Institut atlantique de recherche sur le cancer pour mettre en pratique ce qu'il a appris durant ses études et aider le CNRC à perfectionner le diagnostic du cancer, en particulier celui de la prostate.
Nabil Belacel, de l'ITI-CNRC
Le dépistage de la maladie est présentement basé sur l'examen par toucher rectal et celui de l'antigène prostatique spécifique (PSA). La précision et l'efficacité du test PSA sont de plus en plus contestées, en partie parce que divers facteurs comme l'âge et certaines affections modifient parfois la concentration de PSA dans le sang. En outre, les détracteurs ajoutent que le test donne un grand nombre de faux résultats positifs, qui entraînent ensuite des procédures inutiles, onéreuses et souvent douloureuses avant d'obtenir un diagnostic définitif.
M. Belacel et ses partenaires de l'lARC comptent bien y remédier. La méthode qu'ils ont mise au point fait appel aux données sur l'expression des gènes issues de l'analyse de l'ADN contenu dans des biopuces, pour identifier les marqueurs génétiques du cancer de la prostate dans des échantillons obtenus à partir de biopsies. La masse de données générée de cette façon est telle qu'elle serait difficile à analyser si les algorithmes mathématiques de M. Belacel ne triaient pas d'abord l'information. L'équipe a ainsi découvert un groupe de huit gènes permettant de diagnostiquer le cancer de la prostate. Une fois identifiés, les marqueurs génétiques facilitent la prévision du cancer et servent de cible pour les soins et la pharmacothérapie.
Félicitations à M. Belacel, à deux de ses collègues de l'ITI-CNRC (Georges Corriveau et David McGuire), à une employée de l'ICIST-CNRC (Patricia Oakley) et aux médecins de l'IARC pour avoir remporté la deuxième place dans la catégorie Exploitation sous licence d'une technologie de l'Édition 2006 du concours « Dossier commercial » du CNRC.
Résultat? Une nouvelle méthode plus économique pour dépister les tumeurs cancéreuses de la prostate et dont la précision atteint 98 pour cent – une amélioration considérable par rapport aux méthodes usuelles. Une précision accrue signifie aussi moins de tests avant qu'on puisse trancher le diagnostic, un plus grand soulagement pour le malade et la diminution des frais relatifs aux soins de santé. Au bout du compte, un diagnostic plus rapide et plus efficace de la maladie pourrait sauver de nombreuses vies.
« Qui dit meilleures connaissances, dit dépistage plus précoce, explique M. Belacel. Le savoir est l'ennemi de la maladie. » Selon lui, les médecins éprouvent de plus en plus de mal à faire le point, car ils sont ensevelis sous l'information qui leur arrive de toutes parts.
« D'habitude, on dirait : "Bon, s'il a ces symptômes, ce doit être cette maladie. Je lui prescrirai donc ce traitement." Malheureusement, ce n'est plus si simple aujourd'hui », poursuit M. Belacel. Les maladies gagnent en complexité et les soigner devient de plus en plus difficile. Il arrive qu'on découvre plusieurs tumeurs et que chacune doive être traitée différemment. Établir de quoi souffre quelqu'un et déterminer la thérapie appropriée sur la foi de quelques symptômes n'est plus aussi simple qu'avant.
Néanmoins, les recherches comme celles de M. Belacel et de ses partenaires aideront les médecins à surmonter ces difficultés, donc à améliorer les traitements, en général. Ce projet a aussi concouru à la création du Cancer Populomix Institute, dont l'ITI-CNRC est l'un des membres fondateurs et qui sera aménagé dans les locaux du Conseil national de recherches, à Fredericton. Le Cancer Populomix Institute se spécialisera dans l'identification des marqueurs biologiques qui révèlent les risques de cancer. En isolant ces marqueurs, on espère dépister la maladie plus vite, à un stade où les chances de la vaincre sont les plus grandes.
Jusqu'à présent, l'équipe a remporté un vif succès avec l'analyse du cancer de la prostate, mais M. Belacel et ses collègues n'ont pas l'intention d'en rester là. Ils se serviront bientôt de la même méthode pour dépister les cancers du
et du
ainsi que d'autres maladies, non cancéreuses. Ils songent notamment à remplacer les biopsies par le prélèvement d'échantillons d'urine ou de sang afin de rendre la méthode moins invasive.
De gauche à droite : Nabil Belacel, de l'ITI-CNRC, et les Drs Miroslava Cuperlovic-Culf et Rodney Ouellette, de l'IRMB
Un travail d'équipe
de l'Institut atlantique de recherche sur le cancer M. Belacel a souligné l'importance de la coopération dans ce projet. L'application des mathématiques et de la biologie à la résolution de problèmes d'ordre diagnostique a en effet nécessité une étroite collaboration entre le chercheur de l'ITI-CNRC et les Drs Ouellette et Cuperlovic-Culf de l'IARC. M. Belacel s'est servi de ses algorithmes pour repérer des gènes précis avant de transmettre l'information à de l'Institut atlantique de recherche sur le cancer, où ses partenaires ont poussé les recherches et validé ses observations.
Le processus supposait toutefois beaucoup plus qu'un simple échange de courriels, si l'on en croit M. Belacel. Le dialogue était constant entre les chercheurs.
« Je dois comprendre le côté biologique des travaux, dit-il. Je ne peux me contenter de rester dans mon laboratoire et d'envoyer les résultats de mes recherches sans savoir ce qui se passe et l'importance de ce que je fais. »
Si elle est cruciale, une bonne communication s'avère parfois difficile dans un projet de ce genre, croit-il. Chaque membre de l'équipe doit apprendre le langage que parlent les autres membres. M. Belacel a dû expliquer les aspects mathématiques du projet à ses partenaires de l'Institut atlantique de recherche sur le cancer puis écouter leurs explications sur ses facettes biologiques.
M. Belacel félicite l'ITI-CNRC pour avoir instauré des conditions propices à la recherche – un endroit où les chercheurs possèdent assez de liberté et où on leur fait assez confiance pour qu'ils puissent se concentrer sur un projet et où ils disposent aussi des ressources voulues pour obtenir des résultats.
M. Belacel estime que cette expérience coopérative lui a été profitable et il espère poursuivre ses travaux avec de l'Institut atlantique de recherche sur le cancer. La réussite de l'expérience prouve le potentiel de telles collaborations entre l'ITI-CNRC et d'autres instituts spécialisés en biodiagnostic ou biotechnologie dans l'avenir, notamment avec le Cancer Populomix Institute, dont les activités se prêtent bien à une telle coopération.
Dans l'intervalle, M. Belacel et ses partenaires de de l'Institut atlantique de recherche sur le cancercontinuent de perfectionner leur méthode. Ils espèrent que leur expertise s'appliquera à d'autres maladies et tenteront de rendre la nouvelle technique moins invasive. Leurs efforts promettent d'améliorer la vie d'innombrables Canadiens atteints du cancer.