Athlète québécoise tuée par un grizzli

C'est terrible cette histoire

Si j'étais responsable dans un ministère quelconque, il me semble que j'hésiterais à réintroduire des ours dans une région où il n'y en a plus comme ça s'est fait en France parce que j'aurais peur d'être tenu responsable des possibles conséquences. Quand ils sont en peluche, ils ont l'air mignons mais en vrai, vaut mieux se méfier comme en fait foi cette histoire :




«Isabelle ne pourra plus faire de soirée poutine avec de la musique québécoise. Ça va être à nous maintenant de transmettre le français et la culture québécoise à sa fille Léa.»


Barbara Audy, ancienne collègue de travail d'Isabelle Dubé et porte-parole de la famille en ce lendemain du drame, s'est fait la promesse que Léa, 5 ans, n'oubliera jamais ce qui était si cher à sa défunte mère: la langue française. Même si l'enfant grandit sans maman à Canmore, ville de 11 500 âmes à majorité anglophone située à 90 km à l'ouest de Calgary en Alberta.

C'est un ours qui est venu bouleverser à jamais la vie de Léa, dimanche après-midi.

Malgré la pluie, Isabelle Dubé, 36 ans, part courir avec deux de ses amies sur un populaire sentier pédestre de cette région idéale pour le plein air. Le plein air, c'est la passion d'Isabelle. Elle a d'ailleurs quitté Cap-Saint-Ignace près de Québec environ 10 ans plus tôt pour assouvir cette passion, d'abord au Yukon, puis en Alberta.

Vers 14h, le trio voit un grizzli à une vingtaine de mètres de lui sur le chemin. Les deux amies d'Isabelle se mettent à reculer, alors qu'elle décide de grimper dans un arbre. Ses amies reculent jusqu'à ce qu'elles ne puissent plus voir Isabelle. L'ours est alors très près de l'arbre. Les deux femmes courent jusqu'au club de golf situé à 1 km de là pour chercher de l'aide.


Vingt minutes plus tard, quand un agent de la faune arrive sur les lieux, il trouve l'ours à côté d'Isabelle. Elle est par terre, morte. Son corps a quelques morsures dont une au cou. L'agent abat l'ours d'une seule balle.

Aujourd'hui, Canmore est inconsolable. Même le caporal Brad Freer, porte-parole de la Gendarmerie royale du Canada, était ému hier. «Toute la communauté est ébranlée. Tout le monde fait du plein air ici», a-t-il dit à La Presse.

Surtout qu'à peine une semaine plus tôt, la bête meurtrière, un grizzli âgé de 3 à 4 ans d'environ 200 livres, avait été déplacée par les agents de la faune après avoir suivi durant 10 minutes une femme qui prenait des photos de fleurs sauvages dans le secteur. Les agents avaient fixé un émetteur sur l'ours pour pouvoir suivre ses déplacements avant de le relâcher 12 km plus loin.

Grâce à l'émetteur, les agents ont su à 5h30 du matin la veille du drame que l'ours était revenu près de Canmore. Rien ne permettait de prévoir que cet ours serait agressif, même s'il avait été déplacé, se défend aujourd'hui la porte-parole du département des ressources naturelles et de la faune de l'Alberta, Donna Babchishin. En étant conduite trop loin de son habitat naturel, la bête courait trois fois plus de risques de mourir. Et Isabelle? demandent aujourd'hui ses proches.

Hier, dans la maison familiale de Canmore, le mari d'Isabelle, un maçon albertain, ses beaux-parents et des amis s'activaient à rassembler les photos montrant la jeune femme pratiquant ses sports favoris (ski de fond, escalade, vélo de montagne) en prévision des funérailles de vendredi. Les parents d'Isabelle, toujours à Cap-Saint-Ignace, devaient les rejoindre sous peu.

«Courage, détermination, volonté, jovialité. Pour la jeunesse, c'est un être extraordinaire. Elle s'est toujours battue. Malheureusement, elle est tombée au combat», a exprimé Lucien, son père, le regard à la fois triste et fier, en entrevue au Soleil, hier. Son frère aîné, Martin, de retour en décembre d'une longue visite de sept mois chez sa «p'tite soeur», était aussi sous le choc. «Là-bas, certains l'appelaient la crazy lady parce qu'elle avait adopté un mode de vie très près de la nature», a-t-il dit.

«C'est ironique qu'Isabelle soit morte attaquée par un ours, car elle était très impliquée dans des groupes écologistes qui faisaient la promotion du respect des corridors réservés aux animaux près des sentiers pour les amateurs de plein air», a expliqué Barbara Audy jointe au téléphone par La Presse, à la maison familiale de Canmore. Isabelle Dubé a été attaquée à un endroit où l'un de ces corridors croise le sentier pédestre, non loin de l'entrée du parc national de Banff.

La cohabitation entre l'humain et l'animal est un sujet controversé à Canmore qui vit un véritable boom démographique et économique depuis 1996. De plus en plus de sentiers pédestres grugent les espaces réservés aux animaux, industrie touristique oblige. Les groupes écologistes de la région souhaitent maintenant que cette mort fasse réfléchir les promoteurs.

Mariée depuis six ans et demi, Isabelle Dubé a enseigné dans une classe d'immersion française au primaire à Canmore pendant quatre ans. Ces deux dernières années, pour passer plus de temps en plein air, elle avait décidé de travailler avec son mari dans son entreprise de maçonnerie, raconte dans un français impeccable Barbara Audy, elle aussi enseignante.

Isabelle Dubé est la première personne à être tuée par un ours en Alberta depuis 1998. Dans cette province, deux personnes sont mortes et 23 autres ont été blessées par un ours depuis 1992.