Le label roche pharma est aujourd'hui synonyme de stratégie gagnante en cancérologie. Un domaine thérapeutique qui sera "le véritable pilier de croissance de Roche pour les années à venir ", estime Arsène Guekam, analyste financier de CM-CIC Securities. "Les ventes d'anticancéreux du groupe devraient plus que doubler d'ici à 2008, pour atteindre 12 milliards de francs suisses -7,8 milliards d'euros- . Cette catégorie de médicaments devrait représenter près de 40 % du chiffre d'affaires total du groupe", ajoute-t-il.
Le laboratoire suisse est aujourd'hui le numéro un mondial sur le marché des médicaments anticancer, avec 3,99 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2004 (3,3 milliards d'euros). Pas très loin derrière, on trouve l'anglo-suédois AstraZeneca (3,22 milliards de dollars), puis Sanofi Aventis (3,01 milliards de dollars). " Le cancer représente un tiers du chiffre d'affaires de Roche, mais, depuis deux ans, la croissance est de 30 % ", dit Henry-Vincent Charbonné, PDG de Roche France.
L'extraordinaire bonne santé financière du laboratoire suisse est le résultat d'une stratégie de long terme qui, avec de la chance et de la persévérance dans les investissements, a fini par payer. Très tôt, le laboratoire suisse a financé des travaux de recherche fondamentale en biologie, lesquels ont permis à leurs auteurs de décrocher trois prix Nobel.
Bien avant les autres laboratoires, Roche a développé un tissu de relations d'affaires avec des petites entreprises de biotechnologie. La prise de contrôle amicale de Genentech, en 1990, apparaissait comme un pari risqué dans le domaine alors abscons de l'ingénierie génétique. Mais, après des années de financement pratiquement à fonds perdus, les équipes de Genentech ont fini par aligner des résultats. Sur le cancer, quatre biomédicaments Avastine, Tarceva, Herceptine et Rituxan ont été découverts par Genentech et développés en collaboration avec Roche. " Herceptine, on a failli le laisser tomber , se souvient M. Charbonné. C'est seulement quand le marqueur a permis d'identifier une population cible à peu près certaine -le cancer du sein HER2- qu'on a compris qu'on avait gagné. "
CONCURRENCE ACCRUE
La stratégie d'alliances précoces avec des entreprises de biotechnologie porteuses d'avenir a été ensuite élargie. En mai 1997, Roche a pris le contrôle de Boehringer Mannheim spécialisé dans le diagnostic pour 11 milliards de dollars. En janvier 2002, il prit 50,1 % du capital du japonais Chugai pour 1,5 milliard de dollars.
Cela dit, le marché du cancer pourrait bien ne pas rester trop longtemps un eldorado. " Dès qu'on va traiter six fois plus de patients, on aura plus de difficultés à obtenir des prix qui rémunèrent l'innovation ", estime M. Charbonné. Quant à la concurrence, elle s'organise. Les autres laboratoires développent eux aussi des partenariats en série avec des entreprises de biotechnologie plus petites. Les investissements massifs qui ont lieu aujourd'hui finiront par mettre en concurrence des produits performants et identiques. Les prix pourront alors commencer à baisser.
Yves Mamou
juin 2005