L'exposition prolongée au chrome en débat
La Monnaie de Paris à Pessac avait été condamnée suite au cancer d'un employé.
« La Monnaie de Paris », ils l'appelaient « la Maison ». Une famille dans laquelle on a confiance, censée vous protéger. Aujourd'hui, ils se sentent trahis et craignent pour leur santé. Des membres de SOS Monnaie, association de défense des salariés et retraités victimes de maladies professionnelles et accidents de travail, sont venus en nombre, hier, devant la cour d'appel de Bordeaux pour soutenir l'un d'eux.
Gérard Chat, sexagénaire désormais retraité, a découvert à l'occasion d'une radio de contrôle, qu'il avait un cancer bronchopulmonaire. En cause, une exposition prolongée (de 1975 à 1985) au bichromate de potassium alors qu'il travaillait au blanchiment, dans l'usine pessacaise de la Monnaie de Paris, qui fabrique pièces de monnaie et médailles. « J'aurais dû me douter de quelque chose de grave. Pendant toute cette période, je mouchais orange », témoigne-t-il.
Jamais fourni de masques
« À La Monnaie de Paris, on nous imposait le port de chaussures de sécurité, on les mettait », explique un retraité. « Jamais on ne nous a fournis de masques. » « Pourtant dès 1977, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'entreprise avait alerté sans résultat sur la haute toxicité de ce produit volatile circulant dans l'air à l'état de poussière », déplore Me Béatrice Ledermann, l'avocate de Gérard Chat.
En septembre dernier, le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de Bordeaux avait reconnu la faute inexcusable de la Monnaie de Paris dans ce dossier de maladie professionnelle. « Après des dizaines de décisions concernant l'amiante, c'était une première pour ce produit », se félicite Me Ledermann. L'avocate se dit cependant « désolée de devoir plaider cela en 2011 au vu des dispositifs légaux en vigueur depuis longtemps qui imposent une obligation générale de sécurité des salariés ».
La Monnaie de Paris avait « pris acte » puis fait appel de cette décision. Un nouveau procès avait donc lieu hier après-midi devant la cour d'appel de Bordeaux. L'avocat général a requis la confirmation de la décision du Tass que Me Ledermann appelle également de ses vœux.
La Monnaie de Paris déplore évidemment le cancer subi par son ancien salarié. Mais elle a toujours assuré et réaffirmé mettre en œuvre « une politique responsable de suivi pour la protection et la qualité de vie de ses salariés ». L'entreprise a cessé d'utiliser le bichromate depuis 1994.
La cour s'est donné le temps de la réflexion et rendra son arrêt le 9 juin.