C'est Frédéric qui serait content, ceux qui l'ont connu se souviennent de sa lutte pour atteindre cet objectif que l'Avatin soit disponible et remboursé au Québec. Il en avait fait sa bataille personnel, en passant à la télé et à la radio. Il est mort depuis près de un an maintenant mais merci à Fred ou qu'il soit.
L'Avastin, un médicament utilisé contre le cancer colorectal, sera désormais payé par le gouvernement. Cette annonce du ministre de la Santé, Philippe Couillard, n'a cependant pas réussi à impressionner les centaines d'experts et d'observateurs réunis hier pour les états généraux de la lutte contre le cancer, organisés par la Coalition Priorité cancer au Québec.
«Pour les prochaines années, on nous annonce à la fois une bonne nouvelle et une difficulté, a dit le ministre. La bonne nouvelle, c'est la présence de nouveaux médicaments qui sont plus ciblés et qui fonctionnent mieux. Le défi, c'est le coût très élevé de ces médicaments. Un seul d'entre eux peut représenter pour notre ministère des dizaines de millions de dollars.»
Pour ces raisons, Philippe Couillard a déclaré que l'approche de son ministère allait maintenant reposer sur des démarches sélectives. Selon lui, le gouvernement doit, avec la collaboration d'experts, faire des choix précis et investir en conséquence.
Règles d'utilisation
«Il faut introduire ces médicaments mais les encadrer, poursuit Philippe Couillard. L'Avastin sera introduit dans les établissements mais il sera accompagné de règles d'utilisation. Il faudra identifier les patients qui ont des bénéfices escomptés et aussi savoir cesser son utilisation quand, malheureusement, le traitement ne fonctionne pas. Si on ne fait pas cela, on ne pourra plus continuer. Ce sont des factures énormes.»
Philippe Couillard pense qu'on pourra évaluer exactement le coût lié à cette opération dans un an ou deux. «Si on introduisait le médicament Avastin de façon linéaire, on parlerait de dizaines de millions de dollars. Le pari que je fais, c'est qu'avec cet encadrement, on va fortement réduire la facture associée à ce médicament.»
Philippe Couillard refuse d'affirmer qu'il y a des abus et une mauvaise utilisation de ces médicaments fort coûteux dans les établissements de santé du Québec. «Ce n'est pas mauvais de dire que l'usage des médicaments n'est pas toujours optimal, dit-il. C'est la raison pour laquelle il faut avoir un partenariat très étroit avec la profession.»
Déception
Les professionnels de l'oncologie ont éprouvé une certaine déception devant la présentation de Philippe Couillard, où il fut également question de dépistage et de prévention. Ils attendaient beaucoup plus de la part du ministre de la Santé. «On n'a pas appris grand-chose de cela, dit le Dr Pierre Audet-Lapointe, de la Fondation québécoise du cancer et porte-parole de la Coalition. On est loin d'une organisation optimale. On s'attendait à un plus grand engagement de la part du gouvernement.»
Le Dr Audet-Lapointe n'en revient pas que le Ministère se donne jusqu'à 2010 pour mener à bien le registre québécois du cancer. Ce document renfermerait des données capitales sur les types de cancer et leurs stades d'évolution ainsi que des statistiques qui permettraient aux professionnels de mieux faire progresser la recherche et les soins oncologiques.
«Pourquoi attend-on aussi longtemps? se demande le Dr Audet-Lappointe. On a toutes les données. Il faut procéder dès maintenant.»
L'annonce de Philippe Couillard au sujet de l'Avastin fait suite à celle de l'implantation d'un programme de lutte contre le virus du papillome humain au moyen d'un nouveau vaccin offert aux filles.
Elle suit également un investissement de 75 millionsde dollars en cinq ans qui contribuera à créer le registre québécois du cancer, à renforcer des équipes interdisciplinaires en oncologie et en soins palliatifs et à augmenter le nombre d'infirmières pivots en oncologie, dont le nombre passera de 167 à près de 300. Le ministère de la Santé prévoit aussi implanter dans chaque région un programme de lutte contre le cancer.
Hier, aux états généraux, plusieurs qualifiaient ces sommes d'insuffisantes. «C'est bien trop peu, s'exclame le Dr Audet-Lapointe. Ce n'est pas en disant qu'on va augmenter les infirmières pivots qu'on va régler la situation.»
Philippe Couillard défend les actions de son ministère. «Depuis 2003, on a injecté 200 millions dans le domaine du cancer. C'est un sommet. Je lance le défi à quiconque de vérifier cela. Il n'y a pas un gouvernement qui a aussi bien soutenu la lutte contre le cancer.»
Les états généraux de la lutte contre le cancer rassemblaient des experts et de nombreux observateurs pour des ateliers et des tables rondes. Le fruit de leurs discussions sera publié dans quelques semaines.
«On prend l'engagement de travailler avec le gouvernement, dit le Dr Audet-Lapointe. Il a fait part de son échéancier. Nous, on dit maintenant qu'on va surveiller cela de très près.»